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CULTURELes arts martiaux coréens - partie 2

06/05/2024

GUNMUDO Le Gunmudo (ou Kunmudo), serait apparu à l’époque Silla, au VIe siècle, les Hwarang pratiquant en ce temps-là une « danse de l’épée » qui aurait été à l’origine de cette discipline martial...

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GUNMUDO

Le Gunmudo (ou Kunmudo), serait apparu à l’époque Silla, au VIe siècle, les Hwarang pratiquant en ce temps-là une « danse de l’épée » qui aurait été à l’origine de cette discipline martiale. Elle consiste à effectuer des mouvements amples, vifs et aériens, en étant armé d’une épée ou d’une lance, sur une musique rythmée par le gayageum (cithare coréenne). Comme la plupart des arts martiaux coréens, le Gunmudo a évolué au fil du temps et a été remis au goût du jour en 1957 par Jung-Hyo HA. Il comprend également des techniques à mains nues alliant souplesse et énergie, ainsi que des exercices d’équitation avec tir à l’arc.

LE KWONBOP ET LES MANUELS ANCIENS DE JOSEON

Le Kwonbop (ou Gwonbeop) est également un art martial ancien (environ 800 ans). Comme le Taekkyon, il aurait inspiré plusieurs arts martiaux coréens d’aujourd’hui dont le Taekwondo actuel, par ses techniques de coups de pied et de poing. Il serait venu de Chine (Quan fa – Kung fu) et se serait transformé tout au long de la dynastie Joseon. En 1593, le roi Seonjo (1552 – 1608), décida de réorganiser l’armée, qui avait été débordée lors de l’invasion japonaise de 1591, en s’inspirant des techniques et tactiques militaires évoquées dans un livre écrit par Qi Jiguang (général et écrivain chinois, 1528 – 1588) et publié en 1567. Sans adopter l’intégralité des 32 techniques de combat mentionnées dans ce livre, il commanda la rédaction d’un manuel qui se devait d’enrichir, d’adapter ou de conserver un certain nombre d’entre-elles, intégrant ainsi de nouvelles méthodes de combat, six avec armes et trente sans arme, et ajoutant également quelques méthodes japonaises. L’ouvrage appelé Muyejebo fut publié en 1610. Il s’agit du plus ancien manuel d’arts martiaux de Corée.

Pendant le règne du roi Yeongjo (1694 – 1776), le Muyejebo fut révisé et complété par douze méthodes de combat supplémentaires, à l’initiative du prince héritier Sado. Une forme modifiée de Kwonbop réapparut dans ce nouvel ouvrage. Cette version révisée, appelée Muyesinbo fut, elle, publiée en 1759.

Enfin, sous le règne du roi Jeongjo (1752-1800), le Muyesinbo fut une nouvelle fois revu et enrichi de six techniques de combat supplémentaires, ce qui aboutit à la publication d’un nouvel ouvrage, le Muyedobotongji (manuel illustré complet des arts martiaux), publié en 1795.

LES éPéES CORéENNES

Dans les manuels précédemment cités, on trouve entre autres des techniques avec le sabre, l’épée ou la lance qui rappellent que ces armes sont utilisées depuis des siècles en Corée. La production d’épées à pommeau y commence dès le IVe siècle ; ce sont initialement des épées droites. Le Samguk Sagi et le Samguk Yusa, œuvres historiographiques du XIIe siècle, attestent que durant la période des Trois Royaumes (Baekje, Silla, Goguryeo), il existait dans chacun d’entre eux des formations martiales systématiques. Puis durant l’ère Goryeo (à partir du Xe siècle), les progrès de la métallurgie conduisirent à fabriquer des épées à lame courbée. Pendant la Période Joseon, l’épée droite, portée uniquement par les aristocrates, les fonctionnaires et les lettrés revint au goût du jour. Les armes étaient à l’époque très ouvragées. Même si elles étaient souvent émoussées (période du néo-confucianisme), elles pouvaient néanmoins servir à se défendre. Les militaires, eux, avaient des sabres courbes.

Le terme Geom Do (Gum Do) signifie « la voie de l’épée » et évoque donc plutôt la pratique, tandis que Geom Beop fait référence aux méthodes et techniques. La pratique idéale, consiste à allier l’énergie (ki), l’épée-sabre (geom / gum) et le corps (chae), afin de ne faire qu’un et d’être efficace !

Un système d’entraînement, appelé Charyuk, a également été développé durant la dynastie Joseon. Il s’agissait d’une préparation physique et mentale des guerriers, qui devaient apprendre à utiliser l’énergie physique de leurs adversaires, en entraînant de surcroît leur corps et leur esprit de la façon la plus poussée qui soit ; ils pouvaient ainsi vivre en ermite dans les pires conditions et se nourrir de plantes, car ils connaissaient les herbes médicinales, pratiquaient la respiration énergétique, l’hypnose, le yoga et le Yusul .

HAIDONG GUMDO

Le Haidong Gumdo puise ses racines dans la pratique du sabre coréen, durant la période du royaume de Goguryeo. La forme contemporaine a été formalisée par son fondateur le Grand Maître KIM Jeong-Ho, Président de la World Haidong Gumdo Federation. Il a reçu le soutien du ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme de la République de Corée et l’accord du gouvernement, autorisant cette seule fédération à dispenser l’Art martial du sabre traditionnel coréen. Celui-ci est très présent en Corée et dans plus de 40 pays. Les pratiquants travaillent la méditation et la respiration nécessaires à la concentration ; ils s’entraînent à la coupe sur divers supports (papier, bambou…extinction de bougies), répètent des enchaînements codifiés et des formes chorégraphiées qui leur permettant ensuite d’amorcer des phases de combat et, pour les plus experts, d’évoluer avec deux sabres. En complément du travail du sabre, des techniques à mains nues et de percussions, de saisies, ou d’esquives sont également enseignées. Il s’agit d’un art martial très complet qui associe l’Esprit (bienséance, justice, loyauté, piété filiale), le Corps (puissance, endurance, vitesse, équilibre) et le Mental (courage, respect, tempérance, sens du discernement). Son objectif est de proposer une compréhension profonde des pratiques et des rites traditionnels coréens, tout en véhiculant les valeurs essentielles des arts martiaux.

En France, c’est Maître Jean-François CAPOZZI, Head-Master France, Directeur Technique France Haidong Gumdo et Secrétaire Général Europe, qui développe activement la discipline.

SUNMUDO (ou SONMUDO)

C’est un art martial bouddhiste coréen fort ancien qui s’appelait initialement « keum kang yeong kwan » et qui aurait commencé à être enseigné à de jeunes guerriers dès l’époque des Hwarang. Puis plus tard, durant les périodes d’invasions japonaises (16e siècle), les moines furent encouragés à pratiquer les arts martiaux afin de pouvoir se défendre et aussi protéger la population dans les montagnes et contrées reculées. Ils utilisaient pour ce faire des armes telles que les épées, les lances et les couteaux. Ils pratiquaient aussi la méditation et le yoga. La pratique de cet art martial s’est perdue durant le 19e siècle mais il continuait semble-t-il à être enseigné de façon discrète dans certains temples du sud-ouest de la Corée. Ce sont deux moines (Maître Yang Hik et Maître Jeog Un seol) du temple Beomeosa situé à Busan qui l’ont relancé, le premier en systématisant les techniques, le second en le vulgarisant. à présent, le Sunmudo n’est plus pratiqué uniquement par des moines ; son enseignement est proposé au temple Golgulsa près de Gyeongju (l’ancienne capitale de Silla), mais également à différents endroits à travers le monde. En France, c’est Maître Frédéric Foubert qui est le Responsable National Sonmudo.

Il existe également en Corée d’autres arts martiaux autochtones qui sont très anciens et trouvent leurs sources dans la bouddhisme (exemple : le Bulmudo) ou le taoïsme (exemple : le Sundo).

TAEKWONDO

Le Taekwondo est le plus connu des arts martiaux coréens. C’est une sorte de synthèse d’arts anciens tels le Keupso-chirigi (l’attaque des points vitaux), le Soo-Bahk-Do, le Kwonbop, le Yusul, mais également de l’esprit des 
« Hwarang ». On lit souvent aussi que le Taekwondo se revendique du Taekkyon.

C’est au sortir de l’occupation japonaise et de la guerre, que la Corée essaya de restaurer toutes ses valeurs culturelles, nationales et traditionnelles. Les arts martiaux en faisaient partie et ils sont même devenus une priorité dès 1955 ; le peuple devant apprendre à se défendre, il fallait les intégrer dans les programmes militaires et éducatifs obligatoires. Comme de nombreux nouveaux noms apparurent – issus de différentes écoles (kwan) mais ayant des points communs –, il sembla souhaitable de les synthétiser et unifier dans une seule et même discipline plus moderne appelée Taekwondo, la « voie du pied et du poing ». Un des principaux acteurs dans le développement de cet art martial fut le général CHOI Hong Hi, mais il y eut également, lors de sa création, de grands maîtres renommés qui apportèrent leurs connaissances. Depuis les années 1960, le Taekwondo n’a cessé de se développer de façon exponentielle ; il est devenu d’abord en Corée sport national, puis sport olympique en 2000 aux JO de Sydney. De nos jours, il est pratiqué un peu partout dans le monde (plusieurs millions de pratiquants) et chapeauté par deux grandes fédérations qui cohabitent : l’International Taekwon-Do Federation (ITF) et la Fédération Mondiale de Taekwondo (WT), la seule à être membre du Comité International Olympique.

Pour plus de détails sur le Taekwondo, lire l’article paru dans Culture Coréenne N° 77.

HAPKIDO

Le Hapkido (« voie des énergies unifiées »), appelé à l’origine Hapki-Yukwonsul, est souvent considéré comme un art martial plutôt axé sur l’autodéfense ; mais il a aussi une dimension d’accomplissement personnel. Il comporte des techniques de coups de pied et à mains nues (clés articulaires, projections, coups portés et frappes directes sur les points vitaux du corps, contrôle au sol, techniques d’étranglement, etc…), mais aussi un travail complet avec des armes variées. Il est une version coréenne du Daitōryū Aikijūjutsu, car son fondateur CHOI Yong Sul (1904 – 1986) avait étudié pendant une trentaine d’années cet art martial au Japon et l’a adapté lors de son retour en Corée (création en 1951). Il est important de préciser que, comme la plupart des arts martiaux, le Hapkido a connu une évolution rapide et donné naissance à de multiples formes dérivées. Ainsi, une des versions « modernes », le Sung-Moo-Kwan, est attribuée à JI Han-Jae, CHOI Yong Sul restant le fondateur de la version « traditionnelle ». Dans notre pays, le Hapkido est intégré à la Fédération Française de Taekwondo et Disciplines Associées (FFTDA). Il est présent partout dans le monde où prospèrent plusieurs écoles de Hapkido.

Il existe également un autre art martial proche du Hapkido : 
c’est le KUK SOOL WON. Mais, bien que créé en Corée (en 1961 par Kuk Sa Nim), il s’est essentiellement développé aux Etats-Unis.

TANG SOO DO

Les origines du Tang Soo Do, qui veut dire « la Voie de la Main de Chine » semblent remonter à la dynastie Tang 
(618 – 907). Il s’agit d’un art martial qui intègre des pratiques anciennes, tels le Subak et le Solimsa Kwonbop, mais également de Karaté japonais, dans sa forme moderne, créée en 1945 par Hwang Kee. Il comprend des blocages, des coups de poing, des coups de pied, ainsi qu’un travail avec des armes, notamment le bâton bong.

La Hwa Rang World Tang Soo Do Federation existe depuis 1994 en Californie. Souhaitant garder ses spécificités et ne pas être intégrée au Taekwondo national, le Tang Soo Do s’était expatrié afin de pouvoir se développer. En France, la discipline est représentée au sein de la FFTDA.

Il est à noter qu’une forme sportive mais très similaire de cette pratique, qui s’appelle SOO BAHK DO, se développe (essentiellement aux Etats-Unis), parallèlement au Taekwondo.

L’histoire des arts martiaux coréens est très intéressante car elle reflète bien le courage, la détermination et la persévérance du peuple de Corée qui a su, malgré les incursions étrangères, préserver sa culture au long des siècles. Même lorsque les arts martiaux étaient interdits durant l’occupation japonaise (1910 – 1945), il a réussi à garder secrètes ses pratiques martiales ancestrales, puis à les faire évoluer au fil du temps. On ne peut qu’être admiratif de cette histoire, car elle illustre bien une volonté inébranlable des Coréens de laisser en héritage aux générations à venir, une trace de leurs acquis. En effet, la Corée met le plus grand soin à préserver son patrimoine et à le faire découvrir, puis aimer par les pays du monde entier. La vague hallyu en est une preuve patente et il en est de même du développement exponentiel, depuis quelques décennies, de tous ses arts martiaux, 
y compris des plus anciens, au niveau international.

Source: centre culturel coréen

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SPORTLes arts martiaux coréens - partie 1

26/04/2024

Dresser un panorama des arts martiaux coréens n’est pas une démarche aisée, mais si l’on part du principe que tous les arts martiaux sont amenés à évoluer en permanence et à intégrer de nouvelles techniques au fil du temps afin d&rs...

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Dresser un panorama des arts martiaux coréens n’est pas une démarche aisée, mais si l’on part du principe que tous les arts martiaux sont amenés à évoluer en permanence et à intégrer de nouvelles techniques au fil du temps afin d’optimiser leur efficacité, on peut aborder le sujet avec plus de sérénité. Car force est de constater qu’il est très difficile d’affirmer avec certitude que tel ou tel art martial a conservé sa forme d’origine au fil des siècles. Les arts martiaux se nourrissent au cours du temps de nouveaux apports venus d’autres pays (La Mongolie, la Chine et le Japon par exemple pour les arts martiaux coréens), de nouvelles religions ou courants de pensées (le bouddhisme, le taoïsme, le confucianisme), de nouveaux évènements qui accélèrent leur développement (des invasions, des occupations ou des guerres) et de nouveaux apports humains (volontés royales, politiques gouvernementales).

 

Les paysans, les pêcheurs ou les colporteurs ont également apporté une contribution à l’évolution de ces arts par l’ajout de leurs propres techniques, en utilisant les outils à leur disposition (le fléau pour battre les céréales, le bâton, etc.) car il leur fallait bien se défendre contre les attaques extérieures, par exemple les incursions répétées des pirates venus du Japon. Bien que le peuple n’ait, souvent, pas eu l’autorisation de pratiquer les arts martiaux, il lui fallait trouver de façon autonome des solutions pour se défendre. La pratique de ces arts était aussi une manière de se divertir, notamment en organisant des tournois qui permettaient de se jauger, de tester de nouvelles techniques et de renforcer par là même, la cohésion du groupe. Ainsi, le Ssireum (lutte coréenne) fut très populaire et pratiqué régulièrement dans de nombreux villages dès le IVe siècle ; il l’est encore actuellement d’ailleurs. Il est indéniable qu’en Corée, une partie de cette connaissance martiale est venue enrichir les arts guerriers enseignés au sein des structures militaires.

Si l’on considère également que comme dans tous les arts martiaux, qu’ils soient contemporains ou anciens, coréens, chinois, japonais ou autres, des polémiques existent quant à la détention par tel ou tel Maître, de la forme pure et originelle, il faut s’abstenir de prendre parti et considérer que chacun, qu’il laisse ou non, son nom dans l’histoire, contribue à la richesse de ces arts et les fait évoluer au fil des siècles. C’est effectivement un parti pris, que je m’efforcerai d’appliquer pour présenter ce panorama des arts martiaux coréens. Par ailleurs, ces derniers étant très nombreux, il était souhaitable de sélectionner les plus anciens et les plus ancrés dans la culture coréenne, le but de cet article n’étant pas de rédiger un catalogue exhaustif.

SUBAK

Un des arts martiaux coréens parmi les plus anciens, serait le Subak (ou forme Soo-Bahk-Do actuelle). Dater sa création est assez difficile ; cependant, les historiens coréens la font souvent remonter au règne du mythique roi Tan’gun (2333 av J.C.), mais il n’y a aucune preuve de cela. En revanche, on retrouve des traces du Subak, sur des peintures datant du IVe siècle, réalisées à l’époque de l’ancien royaume de Goguryeo (37 av. J.-C. – 668 ap. J.-C.). Sans pouvoir déterminer précisément les techniques de combats utilisées, on peut noter qu’il s’agissait de techniques à mains nues, avec utilisation des paumes de la main et des poings (en frontal et latéral).

Vers la fin de la période des Trois Royaumes (fin du VIIe siècle), le Subak fut fragmenté et différentes écoles d’arts martiaux virent le jour par la suite, notamment le Yu Sool (ou Yusul) qui apparut durant la période du royaume de Goryeo (935 – 1392). Il s’agissait d’un art martial plus souple qui reposait moins sur des techniques de frappe mais davantage sur des techniques défensives, de saisies, de clés, de coups portés en utilisant la force de l’adversaire. L’équivalent au Japon est le Ju-jutsu.

Parallèlement, durant cette même période Goryeo, le Subak apparaît dans un document officiel. Il faisait partie d’épreuves de sélection militaire qui permettaient notamment d’intégrer la garde rapprochée du roi. Le document précise également que la discipline était pratiquée en présence de celui-ci, probablement à des fins de divertissement.

Certains chercheurs comme Scott Shaw, disent que ce seraient les Hwarang (nous en parlerons) qui ont inventé le Su Bak Gi, du fait de leur entraînement intensif à la course de montagne et grâce à l’exceptionnel développement des muscles de leurs jambes ; ils auraient ainsi, commencé à incorporer et à formaliser différentes techniques de coups de pied dans leur système de combat au corps-à-corps. De ce fait, le Su Bak Gi serait reconnu pour être à l’origine de la richesse des arts martiaux coréens en techniques de pied.

TAEKKYON

Selon différentes sources, il semblerait que le Taekkyon ait intégré dans sa pratique le Subak, qui serait, de fait, un des ancêtres du Taekkyon. Cet art martial traditionnel coréen a été inscrit en 2011 par l’UNESCO sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Il avait été préalablement, le 1er juin 1983, reconnu comme patrimoine culturel intangible (N° 76) de la République de Corée et il est souvent considéré comme la forme originelle de tous les arts martiaux coréens à mains nues.

Au cours de la longue période Joseon (1392- 1910), durant laquelle le confucianisme remplaça le bouddhisme comme religion d’état, ce fut surtout le peuple qui s’appropria le Taekkyon en organisant des tournois très populaires. Car en temps de paix, l’aristocratie, sous l’influence du néoconfucianisme, privilégiait plutôt les Lettres, aux Arts martiaux.

Les mouvements de base du Taekkyon sont souples et rythmés (déplacements appelés poumpalki), afin de libérer totalement le corps pour l’envoi rapide de coups de pieds précis et puissants. Les coups de pied au visage doivent toutefois être portés avec retenue. Le Taekkyon est un art martial très fluide et en même temps explosif ! Ce qui le caractérise également c’est le kihap (cri énergétique), les balayages et les coups portés avec les mains, ces dernières pouvant aussi être utilisées pour saisir très rapidement les jambes de l’adversaire afin de le déséquilibrer.

Le Taekkyon, qui a été, comme tous les autres arts martiaux, interdit durant la période d’occupation japonaise (1910 – 1945), a bien failli être oublié. Fort heureusement, quelques maîtres avaient continué à le pratiquer en secret, le plus notable étant Maître SONG Deok-gi (1893-1987) qui a pu le transmettre aux générations suivantes jusqu’aux dernières années de sa vie.

Le Taekkyon se développe actuellement à l’international. En France, c’est Jean-Sébastien BRESSY et Guillaume PINOT qui chapeautent depuis 2010, avec beaucoup de dynamisme, le Centre Français du Taekkyon (CFTK) qui est en lien direct avec la Daehan Taekkyon Federation et, depuis 2019, la Kyulyun Taekyun Association par l’intermédiaire de Madame Héjine BRESSY-HWANG, nouvelle arrivée au sein du CFTK.

Pour plus de détails sur le Taekkeon, lire l’article paru dans Culture Coréenne N°81.

SSIREUM

La lutte coréenne traditionnelle Ssireum (ou Ssirum) est inscrite depuis 2018 sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco. On en retrouve des traces sur les peintures murales des tombes royales de Goguryeo. Elle se pratique encore actuellement, à l’intérieur d’un cercle recouvert de sable. C’est dans cet espace que deux combattants s’affrontent. Ils portent chacun le satba, une ceinture qui est utilisée pour aider à identifier les lutteurs. Chaque ceinture est de couleur différente, elle est attachée autour de la taille et de la cuisse. Chaque lutteur essaie de saisir celle de l’adversaire pour tenter de le déséquilibrer et de le faire tomber. Les aspects techniques du Ssireum sont au moins aussi importants que la force. Le premier des deux combattants qui touche le sable avec n’importe quelle autre partie de son corps que les pieds (plus exactement à partir du genou), a perdu. Le Ssireum est encore très populaire en Corée de nos jours. Il a fait l’objet d’une codification au milieu du XXe siècle ; il symbolise l’esprit national du peuple coréen.

HWA RANG DO et TAE SOO DO

Les Hwarang étaient de jeunes hommes issus de la noblesse de Silla qui appartenaient à un groupe de guerriers d’élite. Ils ont fortement contribué à l’unification de la péninsule coréenne durant la période des Trois Royaumes (Silla, Baekje et Goguryeo). « Hwa » signifie « fleur », la composante féminine (yin) et « Rang » signifie « l’homme », la composante masculine (yang). La religion d’Etat était à l’époque le bouddhisme et c’est le roi Jinheung (540 – 576) qui confia au célèbre moine Won Kwang Bopsa le commandement de ce groupe et la création d’un code d’éthique, le Hwarang O Gye (fidélité au roi et au pays, fidélité à ses parents et à ses enseignants, confiance et fraternité entre amis, courage face à l’ennemi, sens de la justice).

Les Hwarang recevaient une formation extrêmement complète : arts martiaux, équitation, tir à l’arc, maniement d’armes les plus diverses… mais également littérature, philosophie, poésie, danse. Ils étaient de surcroît formés aux bases de la médecine asiatique (In Sul) et à divers types de méditation coréenne, le but étant de former des guerriers à la fois équilibrés et animés d’une grande force spirituelle. Totalement dévoués à leur souverain et à leur patrie, ils cultivaient un fort sentiment de loyauté et avaient le sens de l’honneur et du devoir envers leurs frères d’armes ; c’est sans doute ce qui les rendait invincibles malgré leur jeunesse. Pour la première fois de son histoire et principalement grâce à eux, le royaume de Silla a ainsi réussi à unifier une grande partie de la péninsule coréenne (668 – 676). Leurs compétences et techniques de combat ont été transmises via une succession ininterrompue de cinquante-neuf générations jusqu’à nos jours ; elles ont été préservées dans le secret lorsque le royaume s’est délité à partir du Xe siècle avec l’instauration de la dynastie Goryeo. L’art martial s’est alors appelé Um-Yang Kwon.

Le Dr. Joo Bang LEE, « Supreme Grand Master » / 10e Dan et 58e Dojoo, est actuellement considéré comme le fondateur du Hwa Rang Do (littéralement « L’art des Chevaliers de Fleurs »), car il a été le premier à codifier et à répertorier toutes ses techniques. C’est le moine Suahm Dosa, dernier détenteur de toute la connaissance secrète des Hwarang, qui l’avait formé et entraîné dès son plus jeune âge, avec son frère Joo Sang LEE. Les deux enfants avaient été confiés au moine par leur père, lui-même pratiquant d’arts martiaux ; ils ont ainsi passé une trentaine d’années sous sa tutelle directe, au temple de Sogwangsa.

Au cours des années 1960, le Hwa Rang Do a prospéré en Corée du Sud avec plus de 30 écoles à Séoul, mais, avec le départ de la famille LEE aux Etats-Unis, il s’est par la suite davantage développé à l’étranger au détriment de son pays d’origine. La volonté actuelle est de relancer le Hwa Rang Do en Corée ; c’est là un des souhaits du Grand Maître Taejoon LEE (fils du Dr Joo Bang LEE / 59e génération de Chevaliers Hwarang). Il a été formé par son père et a passé toute sa vie à apprendre le vaste programme du Hwa Rang Do (plus de 4000 techniques) et tous les autres enseignements de cet art martial si complet. Maître Taejoon LEE est basé actuellement au Luxembourg, afin de pouvoir développer plus aisément sa discipline en Europe. Le Hwa Rang Do est pratiqué dans de nombreux pays et le siège mondial de la World Hwa Rang Do Association est situé à Tustin, en Californie, où réside encore le Dr Joo Bang LEE.

Le Tae Soo Do a été créé en 1990 par le fondateur du Hwa Rang Do, le Dr Joo Bang Lee. Le Tae soo Do est divisé en mouvements de base, techniques de frappe et de coups de pied, auto-défense, maniement d’armes, sparring et grappling. Le Hwa Rang Do étant très exigeant et demandant une force d’engagement que la majorité des débutants d’aujourd’hui ne possèdent pas au départ, le Tae soo Do a été créé comme une sorte de premier cycle permettant de développer des bases solides à la fois physiques et mentales requises pour réussir en Hwa Rang Do.

Par Danielle TARTARUGA

Journaliste honoraire de Korea.net et pratiquante d’arts martiaux

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CULTURE밥 Bap : le riz à la coréenne

16/04/2024

Bap est de ces mots, simples en apparence, qui s’absorbent vite et se digèrent lentement, libérant peu à peu la profondeur de leur univers de sens. Il relève du vocabulaire élémentaire enseigné à qui cherche à connaître ...

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Bap est de ces mots, simples en apparence, qui s’absorbent vite et se digèrent lentement, libérant peu à peu la profondeur de leur univers de sens. Il relève du vocabulaire élémentaire enseigné à qui cherche à connaître les rudiments de la langue coréenne. Les débutants dont j’ai fait partie l’assimilent aisément comme signifiant le riz. Voilà un raccourci qui altère la compréhension de ce que ces trois lettres charrient avec elles. Bap exprime en effet plus et moins à la fois que le terme dont nous usons en français pour dire et penser cet aliment au cœur de la cuisine et, par extension, de la culture des pays est-asiatiques.

 

Bap renvoie d’abord à un en-deçà de notre terminologie dans la mesure où il désigne exclusivement le riz cuit, par opposition à ssal, le riz cru. Ce couple se distingue d’un autre réservé au riz à l’état de plante : mo, soit le semis, et byeo, lorsque le premier parvient à maturité avant d’être récolté. La variété consommée dans la péninsule coréenne correspond au riz rond, riche en amidon, de couleur blanche et à la texture légèrement collante. En tant que riz cuit, le bap peut se présenter seul, dans un bol comme dans une phrase, mais il se décline aussi sous de nombreuses formes tant culinaires que lexicales. Parmi ses dérivés : gimbap (ce rouleau où le bap côtoie une feuille de gim, l’algue séchée dont il est enrobé pour lui-même enserrer légumes et parfois thon ou bœuf haché), bibimbap (littéralement « riz mélangé », où le bap se marie à d’autres ingrédients grâce au liant qu’offre la pâte de soja fermenté au piment), bokkeumbap (le riz sauté), ssambap (où le bap se dépose dans un morceau de salade et s’agrémente de sauces et accompagnements divers pour devenir ssam, une « bouchée enveloppée »), etc. Sous son jour le plus banal, celui du bol de riz, le bap incarne cet incontournable du régime alimentaire coréen traditionnellement servi à tous les repas, y compris le petit-déjeuner, minimalement aux côtés d’une soupe (guk) et de petits mets variés (banchan). Il est à noter, comme me le rappelait un collègue avisé, que l’anglicisme rice est préféré dans les plats d’inspiration étrangère que sont notamment omurice (omelette fourrée au riz sauté), kare rice (riz au curry) et hirice (riz au bœuf en sauce), tous nés au Japon mais populaires chez son voisin péninsulaire.

 

D’acception plus restreinte que le riz, bap représente néanmoins un au-delà de notre terminologie. Par métonymie, il désigne en effet le repas, la nourriture. « Avez-vous mangé ? » se dit ainsi en coréen « Avez-vous mangé du riz (cuit) ? ». La locution va même jusqu’à revêtir le sens de « Comment allez-vous ? » dans lequel elle est aujourd’hui encore communément employée. Ce dernier usage est censé constituer un legs de la période de misère ayant suivi la guerre de Corée (1950-1953), avant que la moitié sud de la péninsule ne se hisse du statut d’un des pays les pauvres au monde à l’orée des années 1960 à celui de pays riche membre de l’Organisation de développement et de coopération économiques au milieu des années 1990. L’équivalence entre les deux questions me paraît susceptible d’être plus ancienne au vu de la charge symbolique dont le bap est investi. Il est ainsi associé à un élément qui, par son partage, unit, à commencer par les membres de la famille (sikgu) dont une des définitions possibles n’est autre que la communauté de ceux qui mangent ensemble du riz. Cette communauté comprend non seulement les vivants mais également les morts comme en témoignent les offrandes rituelles pratiquées lors de la cérémonie dédiée aux ancêtres (jesa), et parmi lesquelles le riz figure, avec l’alcool et le bouillon, sur la rangée la plus proche de l’autel. L’acte de planter les couverts dans un bol de riz s’en trouve d’ailleurs prohibé à la table des vivants, étant uniquement autorisé à celle des morts.

À ce titre, une voie d’appréhension réside, me semble-t-il, dans ce que Georges Perec nomme « l’infra-ordinaire », soit « ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour », ce que nous « vivons sans y penser », comme manger du riz dans le contexte de la société coréenne [1]. L’infra-ordinaire renvoie donc à cette matière journalière trop banale pour se glisser dans les pages d’un journal, trop quotidienne pour faire irruption dans un quotidien de presse, mais qui mérite et même nécessite qu’on s’y intéresse. Comme l’explique Perec, « Ce qu’il s’agit d’interroger, c’est la brique, le béton, le verre, nos manières de table, nos ustensiles, nos outils, nos emplois du temps, nos rythmes » [2]. Autrement dit, le règne de l’habituel. Et pour ce faire, l’auteur des Choses propose une série de gestes : « Décrivez votre rue », « Faites l’inventaire de vos poches », « Questionnez vos petites cuillers [3] ». Cette dernière injonction se révèle d’autant plus féconde qu’elle met en lumière une singularité coréenne par rapport au reste de l’Asie orientale, le bap se dégustant dans la péninsule à la grande cuillère (celle qui plonge aussi dans la soupe) et non avec des baguettes. Au chapitre des habitudes culinaires, investiguer l’infra-ordinaire se traduit par ailleurs chez Perec par une « Tentative d’inventaire des aliments liquides et solides que j’ai ingurgités au cours de l’année mil neuf cent soixante-quatorze », le riz se trouvant mentionné à plusieurs reprises mais sans occuper l’espace qui serait le sien dans la liste d’un homologue coréen.

Une telle comparaison imaginaire est rendue peu ou prou possible par les organismes statistiques qui mesurent la consommation annuelle de riz par an et par habitant : autour de 5 kg à l’heure actuelle en France, au-delà de dix fois plus en Corée du Sud avec une moyenne de 56,7 kg en 2022 (soit 155,5 g ou un bol et demi par jour). L’annonce de ce chiffre a néanmoins eu pour effet de faire basculer cette denrée de la sphère de l’infra-ordinaire ou de la répétition journalière à celle de l’extra-ordinaire ou de l’événement journalistique comme l’atteste la vague d’articles accessibles en ligne. Les 56,7 kg susmentionnés y sont rapportés comme coïncidant au niveau de consommation de riz le plus bas jamais enregistré depuis 1963, date à laquelle le décompte a débuté. Le seuil des 100 kg par personne était alors dépassé et l’est resté jusqu’au milieu des années 1990, culminant à 128,1 kg en 1985 [4]. Une diminution par deux est donc survenue au cours des trois décennies passées, baisse dont il est prévu qu’elle se poursuive. Dans le même temps, la consommation de viande n’a cessé d’augmenter jusqu’à s’établir à 58,4 kg par habitant en 2022, supplantant pour la première fois celle de riz. Les raisons invoquées de ce renversement correspondent aux transformations structurelles qui ont affecté la société sud-coréenne jusque dans ses pratiques alimentaires : mutations économiques (développement ayant conduit à une hausse de l’apport en protéines et au déclin corrélatif de la place du riz), évolutions démographiques (accroissement des ménages constitués d’une personne à la recherche de solutions rapides de restauration) et adaptations culturelles (pénétration non seulement des produits mais également des modes de consommation venus d’ailleurs, résultant notamment dans l’abandon du petit-déjeuner traditionnel et le remplacement du bap par d’autres céréales).

Reste à apprécier la portée de ces changements en termes d’imaginaire, soit dans les représentations où ce que la langue dit peut différer de ce qu’elle mange. La rémanence de l’expression « Avez-vous mangé du riz ? » pour signifier « Comment allez-vous ? » en est bien sûr le plus parlant exemple. D’autres sont à puiser dans le répertoire des proverbes où le bap ne se contente pas d’être particulièrement présent mais où il connote durablement le banal, l’habituel. Ainsi de la formule « faire quelque chose comme si l’on mangeait du riz » qui implique « faire quelque chose très souvent ». Bap continue donc d’appartenir à ces « choses communes » coréennes qui méritent d’être soumises à enquête dans la lignée de l’interrogation perécienne sur l’infra-ordinaire.

— 
Note
[1] Georges Perec, L’infra-ordinaire, Paris, Seuil, 1989, p. 11.
[2] Ibid., p. 12.
[3] Ibid.
[4] Asia Pacific Foundation of Canada, « “Have You Eaten Rice Today ?” For Many South Koreans, the Answer is Increasingly, “No” », 
14 février 2023, accessible en ligne : asiapacific.ca/publication/have-you-eaten-rice-today-many-south-koreans-answer.

Par Justine GUICHARD, Maîtresse de conférences en études coréennes - Université Paris Cité

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